Il existe plusieurs variétés de brie : Coulommiers, Brie de Meaux, Brie de Melun, Brie de Provins, de Nangis…, Toutes sont originaires de Seine-et-Marne, plus précisément de la région naturelle de la Brie.
Glissement vers l’Est
Au cours du XIXe siècle, le Brie de Meaux[1] a vu sa zone de production s’étendre vers la Meuse.
Plusieurs raisons sont associées à cette extension vers l’est. Tout d’abord, la fertilité des zones agricoles de la Brie sur une grande partie de son territoire, qui, associée à l’industrialisation des pratiques agricoles, l’a naturellement vouée à s’orienter vers les cultures céréalières. Le blocus de 1806, privant la France du sucre issu des cannes à sucre, a favorisé la culture de betteraves sucrières dans cette partie du territoire. [2]. La production de fromage s’est donc naturellement portée vers des zones de prairies favorables à la production de lait.
Un autre facteur qui a sans doute favorisé l’externalisation de la production de brie est la tendance de l’époque à l’expérimentation, c’est-à-dire l’appropriation des techniques et méthodes. Ce phénomène est bien expliqué dans un article du journal “Le Constitutionnel”, daté du 26 décembre 1866 [3], où l’auteur remarque le nombre croissant de fromages “façon” brie produits en dehors de son bassin d’origine et présents au catalogue de l’exposition internationale de fromages de cette même année [4]. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de véritables bries..
À cette époque, la Seine-et-Marne produit des bries de type artisanal, tandis qu’en Meuse, ils sont réalisés par des fromageries industrielles.
Mais ce « glissement de terrain » vers l’est ne plaît pas à tout le monde. En 1911, est paru dans la revue “La bonne chanson” le titre « La délimitation du Camembert. » dont un couplet nous dit :
Le Brie est doux et parfumé, Brie de Melun, Brie d’Coulommiers, Brie de Meaux et non d’autres lieux, Ils sont là tous silencieux. Mais d’la Meuse un Brie se dévoile, Et ce non-Brie Veut faire pâlir leur étoile C’est un faux Brie !
Air : Mireille
Les initiateurs
Le pionnier de la production de brie en Meuse est Louis Bailleux, le créateur de la première fromagerie industrielle d’Europe à Maison-du-Val, un écart de Noyers-le-Val. Dès le début de son aventure en 1856, [5], il produit des bries qu’il vend dans la région. Par la suite, de nombreuses autres fromageries lui emboîtent le pas, comme celle de la ferme de Vieux-Monthier à partir de 1874, et celles de Caroline Gillard (femme de Louis Auguste Henri Hutin) en 1886 [6] à Bovée-sur-Barboure.
Très rapidement, le brie fabriqué en Meuse remporte de nombreux prix et récompenses.
Médailles gagnées par Célestin Courot et son fils Louis lors de concours et expositions universelles pour leur brie.
Famille de fromagers industriels
Les mariages au XIXe siècle se font entre personnes d’un même milieu social. Pour la branche Courot, les unions se font aussi dans le même secteur d’activité. Marie Courot est mariée à Léon Desoutter, l’un des trois neveux de Louis Bailleux qui ont repris l’affaire de leur oncle. Jean Hutin, fils de Caroline Gillard-Hutin, marié à Simone Courot (fille de Louis Courot), a sa propre entreprise à Bovée-sur-Barboure.
Il y a des fromagers sur quatre générations.
N’ayant pas de descendants, ce sont les neveux de Louis Bailleux, Cyrille et Léon Desoutter (mari de Marie Courot, fille de Célestin Courot), ainsi qu’Henri Fauré, qui reprennent la succession..
Voici ci-dessous, différentes étiquettes de brie de la fromagerie Courot, recensées par la communauté Tyrosemiophile Meusien sur Facebook[7].
Ci-dessous, étiquettes de brie des neveux de Louis Bailleux : Cyrille et Léon Desoutter, Henri Fauré (D.Fres & H.F.) et brie de la fromagerie Jean Hutin.
Croissance, déclin et héritage
La fromagerie Courot de Vieux-Monthier cesse toute activité en 1965 [7]. Elle a produit des Coulommiers, du brie, du beurre et fut de taille moyenne.
Cyrille et Léon Desoutter ainsi que Henri Fauré créent leur association en 1895. Elle est dissoute en 1915 et seul Cyrille Desoutter reprend l’affaire. Leurs enfants, André et Jean, continueront. L’entreprise va étendre ses sites de production à Courtisols et La Chapelle-Felcourt dans la Marne. La production s’est diversifiée au cours du temps, avec le Port-Salut, le camembert notamment.
1926 Cyrille Desoutter cède la fromagerie à ses fils André et Jean et porte le nom de Desoutter Frères.
1928 André et Jean décident de s’intégrer au groupe Genvrain et Cie dite laiterie des Fermiers Réunis ils apportent les usines de Maison du Val , Courtisols, La Chapelle-Felcourt.
1933 La société des Fermiers Réunis prend le nom de S.A.F.R société anonyme des Fermiers Réunis
1970 La S.A.F.R est absorbée par le groupe Bel.
1986 Le groupe Bel décide la fermeture de Maison du Val [8].
Jean Hutin arrête la direction de sa fromagerie en 1956, laissant celle-ci à ses fils Jean-François et Bernard. Elle cessera ses activités en 1981 [9].
Parmi les frères Hutin, fils de Louis Auguste Henri Hutin et Caroline Gillard, Henri Hutin voit sa société être rachetée par le groupe allemand Hochland. La fromagerie est toujours en activité, mais la production est arrêtée sur le site initial de Lacroix-sur-Meuse en décembre 1982.
Les Brie de Melun et de Meaux bénéficient de l’Appelation d’Origine Contrôlée (AOC) et de l’Appelation d’Origine Protégée (AOP).
L’appellation d’origine contrôlée (AOC) désigne un produit dont toutes les étapes de fabrication sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même zone géographique, qui donne ses caractéristiques au produit.
L’appellation d’origine protégée (AOP) est l’équivalent européen de l’AOC. Elle protège le nom d’un produit dans tous les pays de l’Union européenne.
Notes et références :
[1] Le Brie de Meaux est un grand fromage régulier avec un diamètre de 35 cm, une épaisseur de 3 cm et un poids entre 2,8 et 3 kg.Il est fabriqué pendant 1 mois avant d’être affiné à sec pendant 4 semaines minimum, dans un hâloir humide où il est retourné fréquemment à la main. Son affinage est réalisé entre 8 et 10 semaines.Le Brie de Meaux a une pâte jaune paille clair, avec une croûte duvetée de blanc, tachetée de pigments rougeâtres. Son goût est moins prononcé, et sa saveur fruitée avec une pointe de terroir. Source : http://www.laboitedufromager.com.
Delfosse ClaireDelfosse Claire. Interactions entre qualités et territoires : l’exemple des bries. In: Sud-Ouest européen, tome 6,1999. La qualité agro-alimentaire et ses territoires. pp. 41-50; https://www.persee.fr/doc/rgpso_1276-4930_1999_num_6_1_2717
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